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L’écrivain plonge dans les affres du trio Gustav-Alma-Gropius pour aborder au plus près la question de l’antisémitisme, dont le compositeur fut la victime au long de sa vie.
ParAriane Singer(Collaboratrice du «Monde des livres»)
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«Le Dernier Eté de Gustav Mahler», de Laurent Sagalovitsch, Le Cherche Midi, «Les passe-Murailles», 232p., 21€, numérique 13€.
Eté 1910. Gustav Mahler, sa femme, Alma, et leur fille, Gucki, sont en villégiature dans leur refuge du Tyrol. Une lettre arrive, adressée au grand compositeur. Signée Walter Gropius, jeune architecte de 27ans, et en réalité destinée à Alma, devenue sa maîtresse, elle détaille leurs ébats fougueux. Mahler s’effondre de désespoir. Miné par une déficience cardiaque, il mourra neuf mois plus tard. Acte manqué de la part du futur fondateur du Bauhaus? Ou geste radical visant à faire voler en éclats le couple légitime àson profit?
Le doute demeure, mais il fournit à Laurent Sagalovitsch un prétexte fertile pour dépeindre la vie tragique et mouvementée d’un musicien entièrement voué à son art, et d’une femme, de vingt ans sa cadette, qui a dû renoncer à toute ambition pour le seconder. Gropius habitera un temps avec le compositeur et son épouse, jusqu’à ce que cette dernière soit intimée de faire un choix. Au-delà de cette anecdote digne d’un vaudeville, le romancier nous offre une plongée palpitante dans les affres de ses protagonistes.
Comme dans Vera Kaplan – toutes proportions gardées – (Buchet-Chastel, 2016), où il sonde l’ambivalence de son héroïne, juive, qui dénonce, par centaines, d’autres juifs aux nazis pour sauver sa famille, Sagalovitsch scrute en profondeur les atermoiements d’Alma: rester auprès d’un mari dont elle se sent responsable, ou s’autoriser les plaisirs de l’amour et des sens? Même dilemme pour Gustav: a-t-il le droit de retenir une femme qu’il s’accuse d’avoir négligée et bridée? Accablement, exultation, dégoût, attendrissem*nt… Le romancier brasse large la variété des sentiments: il en fait l’écho réussi des mouvements de la 10e symphonie, restée inachevée, que Mahler composait au moment de cette crise tant conjugale qu’existentielle.
Après avoir délaissé la veine humoristique façon Woody Allen de ses débuts littéraires, Sagalovitsch confirme ici son talent à s’approprier les petit* et grands épisodes du XXesiècle. Mais c’est surtout une nouvelle histoire intime des juifs d’Europe qu’il poursuit, après Le Temps des orphelins (Buchet-Chastel, 2019), où il narrait la libération des camps d’Ohrdruf et de Buchenwald, en1945, par un jeune rabbin américain. L’écrivain creuse intelligemment la question de l’antisémitisme, qui poursuivit Mahler jusque dans les aspects les plus personnels de sa vie, malgré la conversion au catholicisme qu’il effectua avant de diriger l’Opéra de Vienne. Présentant «comme une blessure et une bénédiction» ce sentiment de «décalage» lié à sa judéité, qui le poussait à toujours devoir faire mieux, Sagalovitsch offre au «Direktor», pour son ultime été, un poignant final en forme de réparation.
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